Portrait de famille.

Publié le par mamido55

Portrait de famille
Portrait de famille

Texte d'humeur rédigé le lendemain d'un repas de famille, il y a plus de trois ans.

La consigne des "Impromptus littéraires": "Derrière les apparences" tombait bien à propos.

Le trait est un peu forcé, j'ai apporté quelques modifications pour avancer masquée et comme on dirait dans les films, "toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé..."

Mais quand j'dis ça, j'dis rien!!!...

Portrait de famille.
Regardez cette photo. C’est une photo de famille.
 
Regardez comme ils ont l’air heureux d’être ensemble. Les liens qui les unissent sautent aux yeux. Ils sont serrés les uns contre les autres. Il y a des regards entre eux qui ne trompent pas. Et pourtant, si on regarde ce qui se cache derrière les apparences, on verra apparaître toutes les failles et les interrogations, tous les conflits, toutes les rancœurs, les jalousies et les aigreurs.
 
Ce vieux monsieur au visage poupin, qui sourit à l’objectif, l’air vaguement inquiet, il ne se souvient de rien, il ne sait pas pourquoi il est là et qui sont ceux qui l’entourent. Il voudrait rentrer chez lui, au calme, s’asseoir dans son fauteuil et dormir. Ici, il y a trop de monde, ça fait trop de bruit, et puis il a faim… Quand est-ce qu’on mange !? Ah bon?... On a déjà mangé ?!
 
La vieille dame, à ses côtés, est en colère. Tout le temps. Contre tout le monde. Depuis quand le monde s’est-il arrêté de tourner comme elle voulait qu’il tourne ? Depuis quand ne peut-elle plus  faire ce qu’elle veut, empêchée par son corps qui ne répond plus à ses attentes, par son entourage qui veut toujours la ménager ? Elle est jalouse d’eux tous, de leur vie trépidante, alors que désormais, elle reste au bord du quai.
 
Leur fille a soixante ans. Elle est coincée entre les désirs des uns et les exigences des autres. Elle voudrait bien profiter de la vie, mais il y a toujours quelque chose. La petite-fille qui est malade et qu’il faut garder, au pied levé. Les courses à faire pour les parents ou le taxi pour les emmener chez le médecin. Avec son mari, ils sont à la retraite. Ils pourraient en profiter et s’en aller quand ils veulent, mais pas question, il y a toujours quelque chose qui les en empêche. Et, en plus, ce qu’elle fait n’est jamais apprécié. Il y a toujours quelqu’un pour la critiquer. Ses parents : ça n’est jamais assez. Sa fille, sa petite-fille : c’est trop, elle est toujours sur leur dos !
 
Le petit-fils est là de passage. Maintenant, sa vie est ailleurs. Il vient en coup de vent, arrive le samedi à midi et repart le dimanche à quatorze heures. Il n’a rien à leur dire, il s’ennuie. Ici, tout lui semble étriqué, comme si le temps et l’espace étaient rétrécis. Il est pressé de repartir vers les lumières, le bruit, la foule de sa vie parisienne…
 
Leur petite-fille est très occupée : un métier très prenant, aux horaires impossibles, une maison, un enfant lui prennent toutes ses journées. Alors, les dimanches en famille ! Elle n’a qu’une hâte : se retrouver tranquille chez elle, faire la sieste dans son canapé, avant de reprendre le collier pour une semaine échevelée… Et puis, sa mère la gonfle, toujours à critiquer sa façon de vivre et d’élever la petite !
 
Son mari fait la gueule, il est venu, contraint et forcé. Il a horreur de ces repas de famille qui s’éternisent. Il y a les copains de l’orchestre qui l’attendent, comme tous les dimanches après-midi pour répéter dans leur sous-sol aménagé. Il guette l’heure raisonnable à laquelle il pourra s’éclipser.
 
Et la petite, toute en blondeur candide qui envoie à l’objectif un sourire édenté. Elle a l’air d’un ange. Juste avant la photo, elle a fait un caprice, refusé de manger et cassé le vase de grand-mère.
 
Le temps de la photo, on sauve les apparences : le très vieux couple se tient la main, regardant avec confiance vers… l’avenir (?!), les grands enfants entourent leur maman, le gendre a pris sa fille dans ses bras… Tout le monde sourit au père, qui prend le cliché, sans se douter de rien.
 
Mamido, le 24 Février 2011.
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