L'impossible tient dans une main.

Publié le par mamido55

Texte suggéré par des mots, des expressions et des images trouvés dans le livre de Hubert Haddad "Le nouveau nouveau magasin d'écriture".

Dans ma main, l'impossible...

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Soudain, alors que je me promène dans les jardins du château de St Germain en Laye, un inconnu se penche sur moi pour me murmurer quelque chose à l’oreille.

 

J’ai entrepris ce petit voyage près de la capitale à la suite d’un évènement qui est venu brusquement chambouler le cours de ma vie, jusque là heureuse et tranquille, il y a deux mois à peine.

Théodore, mon amour, mon amant, mon compagnon depuis plus de dix ans a renoncé à la vie, sans explication, par une brumeuse nuit de Juillet. Les jardiniers du parc municipal l’ont retrouvé, au petit matin, pendu à un arbre, près de l’étang où nous étions allés si souvent nous promener ensemble.

 

A la morgue, le regard vide de ses yeux gris ardoise me fait face, une dernière fois, comme un reproche pour n’avoir rien su comprendre ni empêcher.

Juste avant que le croque-mort ne les referme, délicatement. Mais, trop tard, hélas. Je reste à jamais hantée par ces deux lacs profonds et sombres dans lesquels, nuit après nuit, il me semble me noyer avant que d’en émerger, au bord de l’asphyxie, sauvée in extremis par la sonnerie du réveil.

 

Sans que puisse répondre quoi que ce soit, l’inconnu s’est éloigné, non sans avoir déposé, au creux de ma main, un coquillage. Un tout petit coquillage, à la chatoyante couleur nacrée et aux circonvolutions d’une parfaite et merveilleuse harmonie. Tenant enfermé dans ma main ce petit objet devenu en un instant plus précieux qu’un trésor, je m’avance vers la sortie des jardins, dans le soir tombant. Devant moi, un couple d’amoureux, tendrement enlacés, marche dans la pénombre. Leurs vêtements flottent autour d’eux, doucement agités par le vent d’automne qui souffle en bourrasque. Dans le doux murmure de leurs serments, ils disparaissent, à l’ombre des statues.

 

Sur le trottoir, à la sortie du château, les commerçants ferment boutique les uns après les autres. Seuls restent encore allumées une vitrine d’antiquaire et la terrasse abritée du grand café où s’affaire maintenant le personnel afin de dresser le couvert pour le service du soir, chassant sans vergogne les derniers consommateurs de l’après-midi, jusque là tranquillement attablés devant leur café ou leur limonade.

 

Hier, chez moi, dans ma petite ville de province, en contemplant sur ma terrasse les dernières fleurs de l’automne en train de faner dans le jardin, j’ai pris la décision de cette escapade en région parisienne. Derrière ma fenêtre ruisselante de pluie, j’étais en train de devenir folle, croyant à chaque instant apercevoir Théodore, sa silhouette errante cherchant, en vain, à retrouver le chemin de la maison.

 

Je devais absolument sortir de ma morosité, du silence et de la solitude dans lesquels ces derniers mois je m’étais retranchée. J’aurais tant aimé qu’existe le cheval enchanté des contes de Shéhérazade ! Lui seul saurait sauter suffisamment haut pour m’aider à franchir les murailles de ma douleur. Il me venait soudain le désir d’échapper pour un temps à la pernicieuse musique de ma mémoire.

 

Mon départ fut rapide… comme une fuite. Quelques vêtement jetés à la hâte dans une valise, mon nécessaire de toilette… Je sautai dans ma voiture pour rouler d’une seule traite jusqu’à St Germain. Un des rares châteaux que nous n’avions jamais visité, Théodore et moi.

 

… Et me voilà, à présent. Cette soirée d’automne humide et glacée me retrouve plantée à la sortie du château, avec dans le creux de ma main droite ce petit coquillage, symbolisant ce que m’a soufflé à l’oreille l’inconnu rencontré tout à l’heure. Et déjà, je peux vérifier la véracité de ses dires. En mon coeur, j’éprouve ce je ne pensais plus pouvoir ressentir, jamais. 

L’impossible se tient là, dans ma main : une petite étincelle d’espoir qui brille, bien faiblement encore mais il ne tient qu’à moi, désormais, pour qu’elle rayonne de plus en plus et vienne à nouveau illuminer ma vie.

 

Mamido, le 18 Juillet 2012.

Publié dans Magasin d'écriture

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